Les architectures du bonheur – De Charles Fourier aux Grands Voisins

Marcela Iacub (ed.)

Transformer les espaces de vie pour susciter des nouvelles manières de nous lier les uns aux autres est un vieux rêve de la pensée politique occidentale. Souvent taxés d’utopiques, ces projets n’ont pas cessé d’être conçus et parfois réalisés.  C’est à partir de l’un d’entre eux, Les Grands Voisins, la plus importante des utopies urbaines contemporaines réalisées, que nous avons réuni les textes de ce volume.

Situé en plein Paris et conçu à l’origine comme logement d’urgence pour les sans-abris, le succès des Grands Voisins nous a incités à faire une autre histoire de ces projets utopiques, en particulier des phalanstères de Charles Fourier et des cités radieuses de Le Corbusier. Ces analyses et ces expériences nous ont permis de jeter un nouveau regard sur les façons de nous loger dans les sociétés post familiales d’aujourd’hui. Notamment sur l’essor spectaculaire de la vie en solo, la transformation la plus décisive de notre modernité.

Rencontres autour du temps/ Encounters of Time

13 septembre – Rencontres – EHESS, Paris

Les dernières décennies ont vu se développer ce que Christopher Clark  a récemment défini comme un “cultural turn” (Time and Power, 2018) dans l’historiographie : un mouvement des approches équivalent au « tournant linguistique et culturel » des années 1980  et 1990. Les Régimes d’historicité  publié par François Hartog (2003), les Clepsydre 1 et 2 de Sylvie Anne Goldberg (2000/2004) et l’ouvrage à paraître de Nitzan Lebovic s’inscrivent dans ce mouvement qui tend à éclairer les fonctions du temps dans les temporalités juives et chrétiennes.
Cet après-midi d’échanges s’ouvrira par une réflexion phénoménologique sur le temps dans les religions abrahamiques menée par Guy. G. Stroumsa et se poursuivra dans les échanges avec les participants.

 

Menaces sur l’alimentation Emballages, colorants et autres contaminants alimentaires, XIXe-XXe siècle

Florence Hachez-Leroy
Préface de Patrick Fridenson

Au XIXe siècle, l’apparition de nouveaux matériaux d’emballage et des additifs alimentaires de synthèse révolutionne la conservation des aliments. Pourtant ces progrès induisent des menaces sur l’alimentation – intoxications ou fraude avérée – contre lesquelles pouvoirs publics et scientifiques engagent une lutte commune. Un long processus de régulation s’amorce dans les pays industrialisés et aboutit après-guerre à la création d’organismes supra nationaux comme la Food and Agriculture Organization (FAO) des Nations-Unis.
Analysant plusieurs cas emblématiques et fascinants comme l’arrivée progressive des colorants dans les aliments, le développement des emballages en cellophane, ou l’utilisation des sels d’aluminium, cet ouvrage propose une histoire croisée des cultures de l’alimentation et de la toxicologie alimentaire à l’échelle internationale.
Cette histoire des colorants et des emballages alimentaires met en exergue des controverses du XIXe siècle qui résonnent avec les questions actuelles comme celle sur l’aluminium et la santé ou encore les emballages plastiques et l’environnement. Cette réflexion neuve dessine un paysage historique fascinant où circulent scientifiques, industriels, législateurs, hommes politiques et simples citoyens.

EURHO (European Rural History Organisation )

10 au 13 septembre – Conférence internationale – EHESS, Paris

Depuis 2010, les historiens se réunissent régulièrement sous l’égide de l’Eurho pour débattre des grandes questions qui se sont posées et qui se posent encore au monde des campagnes. À travers le programme européen que j’ai dirigé ici même, j’ai été l’un des initiateurs de la création de cette Organisation qui fédère les chercheurs engagés sur ce champ. J’ai été un artisan convaincu de la tenue de ces Conférences auxquelles j’ai régulièrement participé. J’ai pu constater à quel point elles représentaient une magnifique occasion pour les historiens et les spécialistes des sciences sociales de présenter, comparer, discuter leurs travaux, que ceux-ci relèvent des enjeux environnementaux, de l’organisation des systèmes agricoles, de ce qui touche à l’approvisionnement des populations ou au sort des agriculteurs. En organisant la 4e Conférence de l’EURHO à l’École, je suis convaincu que les discussions feront avancer notre compréhension des défis auxquels la ruralité et nos sociétés contemporaines se trouvent confrontées

Minorias, poder, saberes e trocas culturais: do Império Romano ao medievo

La revue d’histoire Dimensões de l’Université Fédérale Espíritu Santo (Vitória, Brésil) a consacré son nº 42 (juin 2019) à un hommage à Adeline Rucquoi, sous le titre “Minorités, pouvoir, savoirs et échanges culturels: empire romain et Moyen Âge”.

Autour d’un article d’A. Rucquoi, dix collègues du Brésil, d’Argentine, d’Italie, du Portugal et des États-Unis ont participé à ce numéro. En préface, Sérgio A. Feldman rappelle l’accueil reçu lors son année de post-doctorat à l’EHESS (2012-2013) et, avec sa collègue, Leni Ribeiro Leite, sa décision de lui rendre cet hommage. Ariel Guiance y retrace la carrière d’A. Rucquoi et souligne ses apports à la connaissance de l’histoire de l’Espagne médiévale, tandis que Ruy de O. Andrade Filho évoque ses qualités d’enseignante et son érudition.

Réactions aux attentats de 2015 : l’analyse des registres de condoléances

20 septembre – Demi-journée d’étude – EHESS, Paris

Comment étudier l’impact des attentats sur la société ? Pour répondre à cette question, Hélène Frouard s’est intéressée à un type de document rarement étudié, les registres de condoléances. Son analyse a porté sur les quatre cahiers ouverts à la mairie du 11e arrondissement de Paris de novembre 2015 à mars 2016. Dans quelles conditions ces registres ont-ils été ouverts ? Comment et par qui ont-ils été utilisés ? Que révèle l’analyse textuelle de leur contenu ?  Ce premier travail exploratoire, réalisé dans le cadre de l’appel à projet « attentats recherche », conclut à la richesse de cette documentation.

Vies oubliées Au cœur du XVIIIe siècle

Arlette Farge

Comment saisir les vies oubliées, celles dont on ne sait rien ? Comment reconstituer au plus près l’atmosphère d’une époque, non pas à grands coups de pinceau, mais à partir des mille petits événements attrapés au plus près de la vie quotidienne, comme dans un tableau impressionniste ?
Arlette Farge offre ici ce qu’on appelle les « déchets » ou les « reliquats » du chercheur : ces bribes d’archives déclarées inclassables dans les inventaires, délaissées parce que hors des préoccupations présentes de l’historien. Ce sont des instantanés qui révèlent la vie sociale, affective et politique du siècle des Lumières. Prêtres, policiers, femmes, ouvriers, domestiques, artisans s’y bousculent.
De ces archives surgissent des images du corps au travail, de la peine, du soin, mais aussi des mouvements de révolte, des lettres d’amour, les mots du désir, de la violence ou de la compassion.
Le bruit de la vague, expliquait Leibnitz, résulte des milliards de gouttelettes qui la constituent ; Arlette Farge immerge son lecteur dans l’intimité de ces vies oubliées. Une nouvelle manière de faire de l’histoire.

Charles-François Mathis

Charles-François Mathis a travaillé sur la pensée des mouvements de protection de la nature en Angleterre au XIXe siècle (In Nature We Trust. Les paysages anglais à l’ère industrielle, 2010), dans une approche d’histoire culturelle, qui est l’un des fils conducteurs de ses recherches. Après la co-écriture d’un ouvrage avec Emilie-Anne Pépy sur la place de la nature dans les villes françaises depuis 4 siècles (La Ville Végétale, 2017), il a entrepris des recherches en histoire de l’énergie (direction, avec Geneviève Massard-Guilbaud de Sous le Soleil. Systèmes et Transitions énergétiques du Moyen Âge à nos jours, 2019), qu’il mène actuellement. Au travers d’une histoire culturelle et matérielle du charbon en Angleterre de 1840 à 1940, il s’agit de comprendre comment les Britanniques se représentaient et vivaient au quotidien leur dépendance à une source d’énergie polluante et épuisable.

La Nationalité, une histoire de chiffres Politique et statistiques en Europe centrale (1848-1919)

Morgane Labbé

Lorsque l’historien consulte les archives administratives du XIXe siècle, il découvre avec étonnement de longues séries de chiffres sur les nationalités, les langues, les religions, comme autant de tableaux d’une Europe disparue. Il constate la précision des enregistrements des minorités et relève que ce travail bureaucratique méticuleux protégeait autant leurs droits qu’il dessinait le cadastre des minorités nationales et confessionnelles bientôt expulsées, assimilées, persécutées. À partir de l’exemple de la Pologne, territoire alors partagé entre la Prusse, la Russie et l’Autriche-Hongrie, l’auteure démontre que le recensement des populations, l’édification de cartes, le choix de critères démographiques, linguistiques et confessionnels ont servi des projets politiques plus divers que la littérature historique ne l’a longtemps laissé supposer. C’est ainsi qu’en 1919, par un retournement de l’histoire, les statistiques démographiques officielles des trois empires annexionnistes, réappropriées tant par les opposants polonais que par les experts de la Conférence de la paix, ont contribué à l’édification d’un nouvel État polonais.