Espagne, Espagnes: regards français sur la réalité espagnole (XVI-XXIe siècles)

22 novembre – Cycle de table ronde – Paris, Institut Cervantes de Paris

Lévi-Strauss a souligné qu’aucune civilisation ne peut se penser elle-même si elle ne dispose pas de quelques autres pour servir de terme de comparaison. Ces mots du célèbre anthropologue peuvent bien servir à comprendre l’objectif de ce cycle, qui tente d’analyser le regard que la France a porté sur l’Espagne, du XVIe siècle à nos jours. Le but est de mieux comprendre non seulement la réalité espagnole du passé mais également celle du présent. Car ce qu’on appelle l’identité d’un pays n’est pas seulement le fait des ceux qui l’habitent, mais également de ceux avec qui ils sont en relation. Et dans ce processus, les stéréotypes et les idées préconçues font partie du récit qui s’est construit à travers les siècles, que ce soit à travers la critique ou l’apologie, voire l’autocritique. Des regards croisés, faits de rivalités féroces mais aussi d’émulation, de fascination et de rejet, ont modelé au fil du temps cette redéfinition continue qu’implique toujours un regard relationnel.
A partir d’une rigoureuse démarche de critique historique, ce cycle de conférences, organisé par Nicolás Bas Martín (Universidad de Valencia) et Jean-Paul Zuñiga (GEI), comprend trois tables rondes. Celles-ci suivent un ordre chronologique, dans lequel la littérature, l’histoire, l’histoire du livre et même l’anthropologie nous rapprocheront un peu plus de la perception des « Espagnes », si proches et si lointaines en même temps, telles qu’elles étaient vues depuis le nord des Pyrénées. Des universitaires des deux pays participeront à ces rencontres afin d’entamer une réflexion collective, construisant ainsi un espace dont l’Europe, aujourd’hui plus que jamais, a grandement besoin.

Les Arsenaux de la Méditerranée et de l’Atlantique

28 novembre – Journée d’étude –

Organisée par Christophe Austruy (Ecole des Hautes Etudes en Sciences Socilaes  Centre de Recherches Historiques/Institu Supérieur de Gestion Programme Business & Management), Paola Lanaro (Università Ca Foscari Venezia) et Sylvain Laube (Université de Bretagne Occidentale -Centre François Viète), cette journée d’étude sera consacrée aux arsenaux de la Méditerranée et de l’Atlantique.
Ces Arsenaux sont des objets originaux et uniques par la place qu’ils occupent dans la structure urbaine des villes mais aussi dans la structure de production des armements nécessaires aux Etats, nations et empires depuis au moins le Moyen Âge, sous ce nom dérivé de l’arabe dar-as-sinah dont Venise en est l’intermédiaire emblématique ; avec des précédents glorieux dans toute la Méditerranée centrale et orientale fournissant les flottes de guerre ou de police des mers les plus puissantes de l’histoire.
Conçus comme de véritables innovations, ce sont des objets tout à la fois, techniques, technologiques, économiques, sociaux, urbains, majeurs enregistrant peu ou prou tous les grands évènements historiques. La complexité de ces macro-systèmes industriels, qui opèrent sur le temps long, continue à alimenter de fécondes et nombreuses études en sciences humaines , économiques et sociales.

Les entrelacements du monde

Alessandro Stanziani

Qu’on la nomme histoire globale, mondiale, connectée, histoire-monde ou world history, c’est elle qui aujourd’hui suscite l’intérêt des lecteurs, des médias, des universitaires, et tend à façonner notre représentation du passé. Mais qu’est-ce que l’histoire globale ? Que propose-t-elle ? La belle synthèse d’Alessandro Stanziani fournit toutes les clés pour comprendre l’essor et les ambitions de cette histoire plurielle. Filiations multiples, bifurcations inattendues, brassages et métissages : affranchie de l’européocentrisme, l’histoire globale élargit les horizons géographiques, déborde les cadres nationaux, pense le monde à partir des connexions et des relations au sein d’entités politiques ou économiques hétérogènes. Elle a pour objet les migrations d’hommes, de biens, d’idées, de savoirs, de symboles, mais aussi le changement climatique, les révolutions technologiques, l’évolution des mentalités…
Saisies dans la longue durée, et à l’intersection de plusieurs mondes, Alessandro Stanziani explore à nouveaux frais les relations que l’histoire établit avec la philosophie, la sociologie, la philologie et l’économie : ces interactions délimitent la portée de l’histoire globale par rapport aux autres approches.
Face aux progrès du nationalisme, cette façon de faire de l’histoire permet de revisiter le passé d’un certain nombre d’événements, de culture et/ou de régions. De l’Inde à la Russie, des décolonisations à l’islam, cet ouvrage montre que l’histoire globale invite à multiplier les angles de vue, mais aussi à dépasser la vision de l’histoire comme choc entre les civilisations.

Economic Development and Environmental Transformations in Europe’s Extractive Peripheries (16th-21st centuries)

21 novembre – Workshop – EHESS, Paris

Partant du constat que l’extraction des ressources a joué un rôle central dans le développement européen, la journée d’étude organisée par Jawad Daheur (CNRS-CERCEC) soulève la question des territoires impliqués dans ce type d’activité au sein de l’Europe même. En effet, en dépit de l’expansion outre-mer, les zones dédiées à l’extraction primaire ne disparurent jamais du continent. Si, dans certains cas, l’extraction a pu favoriser le bien-être de la population, une spécialisation accrue dans ce secteur a généralement engendré des problèmes comme la dépendance, l’extraversion et la désarticulation de l’économie locale. Elle a aussi causé une dégradation de l’environnement à travers l’épuisement des ressources, diverses pollutions, la destruction de la flore et de la faune. Couvrant la période allant de la fin du XVe à la fin du XXe siècle, la journée aborde l’histoire des périphéries extractives européennes dans une perspective à la fois théorique et empirique. Les neuf communications portent sur une variété de pays, de l’Irlande à la Russie en passant par l’Italie, la Pologne et la Bohème.

Marcel Roncayolo

Les anciens élèves et collègues de Marcel Roncayolo ont la tristesse d’annoncer sa disparition le 13 octobre, à l’âge de 92 ans.

Assistant de géographie économique à la Sorbonne de 1952 à 1956, caïman puis maître-assistant à l’École normale supérieure de la rue d’Ulm (1956-1965), il devient en 1965 directeur d’études à la VIe section de l’École pratique des hautes études, future École des hautes études en sciences sociales où il a enseigné jusqu’en 1995. De 1978 à 1988, il est également directeur adjoint de l’ENS pour les Lettres. En 1986, il devient professeur des universités à Nanterre et dirige l’Institut d’urbanisme de Paris à Créteil de 1991 à 1994.

D’abord spécialiste de géographie économique, il a rapidement consacré toutes ses recherches au fait urbain, prenant comme principal laboratoire d’enquête sa ville natale de Marseille. Inspiré par la géographie rétrospective de Roger Dion et la géohistoire de Braudel, il développe une géographie urbaine attentives aux formes et aux temps. Son intelligence des villes s’attachait à en reconstituer les enjeux sociaux, économiques et politiques de fabrication et les logiques d’acteurs. Il décrivait la ville comme le produit, dans la simultanéité, de processus d’âges divers, à la fois autonomes et entrecroisés.
Son œuvre a été couronnée par le prix spécial du jury du Grand prix de l’urbanisme en 2012.
Auteur de très nombreux livres et articles répertoriés sur le site : http://gghterres.ehess.fr/index.php?521, il a formé de nombreux chercheurs et professionnels de l’urbain, en France et à l’étranger.

Aux sources des politiques sociales : décentrer l’histoire du welfare européen (XIXe-XXIe siècles)

5 novembre – Journée d’étude – Paris, PSL

Les échelles de la question sociale au XIXe siècle » est la première d’un cycle de trois journées d’étude organisé par Éléonore Chanlat-Bernard et Federico Del Giudice (doctorants EHESS, CRH-ESOPP) avec le soutien de l’IRIS « Études Globales » de l’université PSL et du Centre de Recherches Historiques de l’EHESS. Cette première journée se propose d’introduire la problématique du cycle qui est celle du décentrement de l’histoire des politiques sociales européennes : l’objectif est de comprendre la construction de l’échelle nationale comme échelle pertinente et contestée des politiques sociales en mettant en avant les cadres que celle-ci propose de dépasser, remodeler ou incorporer. Il s’agit de réfléchir à la fois aux outils du décentrement et à la pertinence d’une telle problématique pour l’historiographie des politiques sociales.
La gestion locale des politiques sociales est un premier cadre infranational très important pour analyser le processus de nationalisation, ses antécédents et ses limites : Aurélie Bernet et Céline Xicola Mutos aborderont le fonctionnement de deux types d’assistance sociale aux XVIIIe et XIXe siècle : la mise au travail à l’hospice (Gérone, Espagne) et les aides patronales dans le secteur industriel (Jura). Le cadre colonial est un autre élément important qui sera étudié notamment par Christian de Vito par le biais des migrations de travail entre Europe et Amérique ibérique. En quoi l’étude de la mobilisation des tribunaux et du droit par les esclaves, affranchis et les engagés pour faire valoir leurs « droits » permet-elle de décentrer l’approche par la législation ?
Dans quelle mesure décentrer permet-il de faire émerger la variété historique des types de politiques sociales ? Gilles Postel Vinay reviendra ainsi sur la pluralité des types d’assistance entre période moderne et contemporaine à une variété d’échelle : locale et nationale (à travers la comparaison franco-britannique).
Il s’agira ainsi de confronter des exemples pris à des contextes variés, à la fois géographique (Europe occidentale, métropoles européennes et monde colonial) et institutionnels (le monde des entreprises et le paternalisme social, les structures charitables, les tribunaux) pour comprendre comment se négocie (ou pas) l’accès à des formes de « protection sociale » avant le développement des premières législations sociales européennes à la fin du siècle. A chaque fois, l’accès à une forme de protection se place entre marge d’autonomie à l’égard des institutions et incorporation de leurs contraintes.

Autour du livre de Bertrand Binoche, Nommer l’histoire. Parcours philosophiques

19 novembre – Les rencontres du GEHM – Paris, EHESS

Les philosophes nomment l’histoire. Ils l’appellent, par exemple, « perfectibilité », « philosophie de l’histoire », « civilisation », « tableau historique », « généalogie », etc. Or, en la nommant, ils la prennent en charge et l’écrivent à leur manière, qui n’est pas (toujours) celle des historiens. Ainsi les philosophes racontent-ils toutes sortes d’histoires – pour ne pas dire qu’ils se les racontent. C’est-à-dire qu’ils élaborent des récits, éventuellement fictifs et extrêmement divers, mais qui sont toujours des instruments de vérité. Ce sont ces historicités philosophiques que le présent ouvrage prend pour objet sous la forme d’un échantillon qui s’étend de Rousseau à Foucault. Aucune théorie générale n’est ici possible, il n’existe que des cas singuliers dont l’étude, comme le réclamait Nietzsche, retourne le dard de l’histoire contre elle-même – mais sous une forme qui emporte aussi la généalogie. Comment ne pas brûler ce que l’on a adoré ? C’est une fatalité. Croit-on donc qu’un philosophe, ça ne raconte pas d’histoires ? En tous les sens de l’expression, c’est tout à fait faux ! Voici donc une histoire de la philosophie en tant qu’elle raconte des histoires…

Yannis Tsiomis

Nous venons d’apprendre avec beaucoup de tristesse la disparition de notre collègue Yannis Tsiomis, qui s’est éteint la nuit dernière à l’âge de 74 ans.
Architecte, urbaniste, historien membre du Centre de recherches historiques de l’Ecole, directeur d’études, Yannis Tsiomis s’était imposé comme un grand spécialiste du fait urbain. Il a consacré de nombreux travaux aux villes néoclassiques et aux villes capitales, comme aux théories architecturales et urbaines, toujours soucieux d’inscrire ses objets dans les dynamiques sociales et politiques.
Son dernier grand livre, Athènes à soi-même étrangère. Naissance d’une capitale néoclassique (2017), sur l’invention d’une capitale européenne, Athènes, en témoigne.

Drogues, politiques et contre-cultures

8 novembre – Demi-journée d’étude – EHESS, Paris

A l’origine anglo-saxonne dans ses références comme dans ses pratiques, les mouvements contre-culturels n’ont pas moins ébranlé l’ensemble des sociétés occidentales, avec des spécificités propres aux différents groupes sociaux qui s’en sont emparé. Cette subversion de l’intérieur de la société capitaliste hérite en partie d’une succession de mouvements artistiques révolutionnaires, mais, en rupture avec le concept d’avant-garde, elle tire aussi son inspiration de cultures populaires de groupes opprimés et/ou colonisés tout en exploitant les nouveaux médias qui, avec les drogues qui modifient les états de conscience, font circuler d’un continent à l’autre, les images et les rythmes portées par des ondes musicales métissées (musiques black, rock et punk, reggae etc). « Do it » est le mot d’ordre commun, car il s’agit de construire collectivement ici et maintenant les alternatives qui échappent aux hiérarchies, à l’exploitation et à l’ordre moral des sociétés capitalistes et impérialistes.