Prostitution et Révolution. Les femmes publiques dans la cité républicaine (1789-1804)

Clyde Plumauzille

La Révolution signe l’acte de naissance de la « tolérance » de la prostitution dans la capitale. Encore faut-il s’entendre sur cette notion de « tolérance » : il ne s’agit nullement de reconnaître, mais de contrôler un groupe de femmes infâmes pour l’intégrer, sous tutelle policière, aux marges de la communauté civique régénérée.
En ce sens, l’étude du phénomène prostitutionnel permet de revisiter la question du droit de cité des femmes sous la Révolution française. Il ne s’agit pas d’interroger la capacité politique des femmes en Révolution, mais bien plutôt de questionner leur droit à la cité à travers leurs modes d’existence et d’expérience dans le paysage urbain parisien. Les logiques d’exclusion qui viennent déterminer sur le terrain la « condition prostituée » reposent sur un ensemble de situations de « moindre droit » : moindre droit à la protection des autorités, à la présomption d’innocence, à la libre circulation dans l’espace public, à une inculpation en règle et circonstanciée. Elles révèlent la face cachée de la citoyenneté et les rapports de domination de genre, de classe et de sexualité qui organisent la redéfinition d’un ordre public républicain.
À l’épreuve d’une étude empirique, la prostitution révolutionnaire n’est plus tant cette formidable débauche que le XIXe siècle s’est efforcé de construire, que le reflet d’une vulnérabilité sociale féminine et juvénile, irrégulière et extravertie, qui « colle » au pavé de la rue parisienne et se trouve en décalage avec l’idéal « conjugaliste » républicain ».