Jours de rêves et de plomb Vivre l’insurrection dans l’Italie des années 1970

Alessandro Stella

Dans l’après-midi du 11 avril 1979, à Thiene, province de Vicence, en Italie, l’explosion accidentelle de la bombe qu’ils étaient en train de préparer, provoquait la mort de Maria Antonietta Berna, Alberto Graziani et Angelo Dal Santo, militants de l’Autonomie Ouvrière. Deux mois après, Lorenzo Bortoli, compagnon de Maria Antonietta, se suicidait en prison. Cette tragédie est restée imprimée comme un trauma chez les camarades qui militaient avec eux dans le groupe de l’Autonomie Ouvrière de la Vénétie. Plus en général, cet événement a été l’un des faits emblématiques des soi-disant années de plomb. Qu’est-ce qu’il s’est passé ? Pourquoi des jeunes des années 1970 ont pris les armes, risquant leur vie ? Quelles raisons, idéaux, rages les ont-ils poussés à la révolte jusqu’aux plus extrêmes conséquences ?

Dans ce livre, l’auteur, qui faisait partie de ce groupe de militants, essaye de restituer l’histoire d’un groupe de camarades passés des grèves, assemblées et manifestations à la lutte armée. Sans hypocrisies, enjolivements, omissions. En transcrivant les sentiments, les relations, les idées, les actions telles qu’elles étaient vécues durant ces années-là. Une auto-analyse historique située dans la culture et les dinamiques des mouvements de révolte des années 1968-1977. L’analyse des parcours individuels, de celui de l’auteur en premier lieu, tente de rendre compte de l’engrenage qui a amené les camarades de Thiene, comme d’autres milliers d’hommes et de femmes dans toute l’Italie, à faire des choix extrêmes. Les années 1970, en Italie, sont passées à l’histoire comme des « années de plomb », effaçant sous des images de mort, de prison et de souffrance, tout un mouvement qui rêvait d’un monde meilleur, qui voulait qu’un autre monde plus juste, plus libre, plus fraternel fût possible. L’histoire de ces années-là a été écrite avec les procès-verbaux de police et les sentences des tribunaux, mais ce récit partiel n’a pas pu supprimer de la mémoire de ceux qui ont vécu cette période très intensément, que c’étaient avant tout des années de rêves, d’imagination, de soif de liberté, de recherche d’un bonheur collectif.