Motion de l’Assemblée générale du Centre de Recherches Historiques (CRH), 27 janvier 2020

Le CRH s’oppose aux orientations envisagées par le gouvernement dans le cadre de la préparation de la loi de programmation pluriannuelle de la recherche, et propose un plan massif de soutien à une recherche publique, critique, libre et coopérative.

Les membres du Centre de Recherches Historiques (UMR 8558, EHESS-CNRS), réunis en Assemblée générale le 27 janvier 2020, déclarent leur vive préoccupation à la lecture des rapports préparatoires à la Loi de Programmation Pluriannuelle de la Recherche (LPPR) envisagée par le Ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation. Ils s’associent aux laboratoires, institutions et autres organismes de l’ESR, déjà très nombreux, qui ont manifesté leur opposition aux orientations envisagées par le gouvernement.
Consulté au printemps 2019, le CRH avait déjà exprimé ses inquiétudes face aux thèmes choisis pour la concertation préparatoire à la LPPR, thèmes qui montraient la volonté du gouvernement d’inféoder la recherche à un monde où le financement serait dévolu aux partenariats privés, à la recherche du profit, à la volonté de compétitivité, à la précarisation des métiers de la recherche et d’appui à la recherche, en comprimant les budgets dévolus aux ressources pérennes et aux personnels. Les rapports préparatoires et les récentes déclarations de notre ministre confirment malheureusement les craintes exprimées par les membres du Conseil de Laboratoire du CRH le 8 avril 2019.
Les rapports préparatoires dressent un état des lieux que nous partageons : seules une forte augmentation du nombre de chercheurs et administratifs titulaires, la sécurisation des carrières sur la longue durée, l’évaluation qualitative et non quantitative des travaux et des institutions peuvent garantir le rayonnement de la recherche et son inscription durable dans les enjeux contemporains.
Or les préconisations que contiennent les rapports vont à l’encontre de ces objectifs. Nous pensons qu’elles ne feraient qu’amplifier la crise actuelle en privilégiant une politique des sciences autoritaire, bureaucratique et éloignée de la recherche fondamentale, fondée sur la sélection par appels à projets, sur la mise en concurrence systématique des laboratoires et sur la réduction drastique des recrutements pérennes réservés à une minorité chargée de piloter le travail précaire.  Dans une filiation évidente avec la loi LRU (dite Pécresse) de 2007, la réforme des retraites et les décrets d’application de transformation de la fonction publique, les orientations de la LPPR démantèlent et disloquent le service public et l’orientent vers une vision managériale de la recherche.
Nous, chercheurs, enseignants-chercheurs, personnels techniques et administratifs, représentants des doctorants du Centre de Recherches Historiques, dénonçons la poursuite de cette politique de précarisation généralisée et de mise en concurrence. Nous défendons l’organisation d’une recherche publique, durable, attachée aux valeurs de liberté académique, d’émancipation et d’égalité. En conséquence, nous réclamons un moratoire dans la préparation de la LPPR et demandons au gouvernement d’y associer les laboratoires de recherche afin de prendre acte des constats partagés par la communauté de l’ESR.
Nous proposons :

  • un plan massif de soutien à la recherche publique passant par la reconnaissance et la consolidation de tous les statuts de la recherche publique et de l’enseignement supérieur ;
  • un plan durable de recrutement de titulaires, chercheurs comme personnels d’appui, en premier lieu pour compenser la baisse importante des effectifs constatée depuis plusieurs années ;
  • le rétablissement de budgets ambitieux et pérennes pour les unités et équipes de recherche ;
  • l’augmentation du nombre des contrats doctoraux et leur revalorisation ;
  • une évaluation par les pairs privilégiant la qualité des productions et des parcours plutôt que leur quantité ;
  • le transfert des budgets du crédit impôt recherche à la recherche publique.

Refusant de voir notre fonction sociale réduite aux exigences d’une bureaucratie destinée à favoriser des logiques concurrentielles et des intérêts privés, ayant à cœur de soutenir une recherche fondamentale au service de la société, nous appelons chacune et chacun à s’informer, participer aux séminaires et Assemblées générales de mobilisation, prendre part aux manifestations et aux autres actions.
Motion votée lors de l’Assemblée générale par 60 membres du Centre de Recherches Historiques : 59 voix pour, 1 abstention, 0 voix contre

Maciej Gorny (Polish Academy of Sciences-PAN)

6, 7, 10 et 13 février – Conférences – Paris et Aubervilliers, EHESS et Centre scientifique de l’Académie polonaise des sciences

Maciej Gorny est professeur à l’Institut d’Histoire de l’Académie polonaise des sciences (PAN) et rattaché l’Institut Historique Allemand de Varsovie (DHIW), invité à l’EHESS par Morgane Labbé (ESOPP). Ses premiers travaux ont porté sur l’historiographie marxiste en Pologne et Tchécoslovaquie. Il s’est consacré au cours des dernières années à l’histoire des géographes et anthropologues d’Europe centrale et orientale au début du 20e siècle, suivant leur trajectoire dans les espaces impériaux, puis leur engagement au cours de la Première guerre mondiale dans la construction des États nationaux. Ses derniers ouvrages : Science embattled. Eastern European Intellectuals and the Great War (2019) et avec Wlodzimierz Borodziej, Der vergessene Weltkrieg. Europas Osten 1912-1923, (2018)

Les crises de la dette publique XVIIIe-XXe siècles

Gérard Béaur et Laure Quennouëlle-Corre (ed.)

Ce livre a pour objectif de soumettre à l’expertise des historiens la question qui agite autant le monde savant que les politiques, les citoyens, les médias : comment un État ou un groupe d’États peut-il entrer dans une crise de la dette publique et comment peut-il s’en sortir? Il semble bien que les historiens disposent d’un vaste champ expérimental susceptible d’autoriser les comparaisons dans le temps et dans l’espace.Les exemples ne manquent pas, ils foisonnent, de moments critiques où les Etats se sont trouvés dans une situation de surendettement qu’ils ne parvenaient plus à surmonter. De l’Amérique latine à la Russie, du XVIIIe au XXe siècle, l’ouvrage ne délivre certes pas de recettes mais apport un nouvel éclairage sur des processus qui peuvent faire déraper la dette publique et sur les méthodes employées pour la réduire, l’endiguer, voire l’annuler.

Paradoxes de la modernité

24 février – Les Rencontres du GEHM – Paris, EHESS

Souvent renvoyé du côté d’un évolutionnisme plus ou moins implicite et parfois accusé d’entretenir la domination néocoloniale, le champ des études sur la modernité et les processus de modernisation a été progressivement discrédité dans les sciences sociales ces quarante dernières années. Depuis quelque temps, un certain nombre d’historiens et de sociologues ont cependant entrepris de le réinvestir sur de nouvelles bases. C’est à la démarche qui les réunit et aux renouvellements méthodologiques qu’ils proposent que ce dossier de Politix est consacré.
Comme les coordinateurs du numéro , Pablo Blitstein et Cyril Lemieux (LIER-FYT), l’exposent dans leur article introductif, les travaux qu’il s’agit ici de considérer puisent dans des méthodologies et des sources d’inspiration théoriques diverses. En outre, ils étudient des contextes sociohistoriques très différents en les appréhendant à des échelles variables. Au-delà de cette grande diversité, ils ont toutefois en commun d’entretenir une même distance à l’égard de ce qu’on peut appeler le paradigme évolutionniste/misérabiliste, consistant à mesurer les « retards » et les « manques » des groupes humains et des sociétés selon les standards, réputés les plus élevés, de la modernité euro-américaine. De surcroît, ces travaux partagent également une forte insatisfaction à l’égard du paradigme opposé, que l’on peut nommer exceptionnaliste/populiste, consistant à affirmer l’autonomie culturelle des « peuples » non-occidentaux vis-à-vis de l’ « Occident », jusqu’à considérer parfois que la modernité serait une idée ne représentant rien dans la culture « authentique » des autres peuples et qu’elle ne correspondrait pas, en outre, à ce que ces autres peuples attendent réellement.

Communiquer, de l’audiovisuel au numérique

Patrick Fridenson et Larissa Zakharova (dir.)

Ce numéro spécial du Mouvement Social (n° 268, juillet-septembre 2019), dirigé par Patrick Fridenson (CRH) et Larissa Zakharova (CERCEC) dans le prolongement de leur séminaire, propose trois ensembles pluridisciplinaires d’articles pour une histoire sociale longue de la communication médiatisée, de l’audiovisuel au numérique : d’abord les usagers et les créateurs de contenus ; ensuite le rôle des salariés et des syndicats ; enfin les programmes audiovisuels dans des domaines antérieurs à l’audiovisuel. Il se termine par un article sur le numérique comme nouveau territoire pour l’historien. De nombreux comptes rendus de livres complètent les articles. L’éditorial examine la question centrale du numéro : l’histoire des interactions entre tous les acteurs de la communication.

Le Baal Shem Tov Mystique, magicien et guérisseur

Jean Baumgarten

Connu comme le fondateur du hassidisme, celui qu’on surnomme le Baal Shem Tov, le « maître du Bon Nom », ne cesse de fasciner. Qui était-il : un mystique détenteur de secrets ? Un réformateur religieux venu valoriser la foi simple des humbles contre l’érudition talmudique ? Un annonciateur du messie? Un guérisseur, voire un chamane pratiquant la transe, inspiré par des traditions préchrétiennes des Carpates ? A-t-il seulement fondé un nouveau mouvement, ou la légende a-t-elle dépassé l’histoire ?
Jean Baumgarten, spécialiste du hassidisme, nous invite à le suivre dans sa recherche du « vrai » Baal Shem Tov. À la fois portrait spirituel et plongée dans la sociologie religieuse des Juifs polonais du milieu du xviiie siècle, cet ouvrage nous livre la synthèse des travaux les plus récents sur cette figure majeure dont se réclament les « amis de Dieu » bien au-delà du monde juif.

 

Le monde de la pratique saisi par la communauté des procureurs au parlement de Paris (1670-1738)

Geneviève Morin

Thèse dirigée en co-tutelle par Robert Descimon et Claire Dolan (Université Laval, Québec), soutenue le 25 janvier 2020, devant un jury composé de Pierre Bonin (Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne), Fanny Cosandey (EHESS), Michel De Waele (Université Laval, Québec) et Sylvie Perrier (Université d’Ottawa)

Dentro e fuori ghetto. Vita e cultura ebraica a Siena in età moderna

27 février – Colloque –

Sous l’angle d’une histoire sociale et culturelle de la présence juive, ce colloque invite à l’étude des sociétés et des cultures juives dans le ghetto de Sienne (siècles XVIe-XIXe), ainsi qu’à l’observation des expériences des Juifs siennois en dehors du ghetto, au milieu du monde catholique toscan, dans l’espace de la ville de Sienne et du Grand-Duché de Toscane. La diversité des populations juives du ghetto, la condition de minorité juridique, la précarité socio-économique ainsi que la persévérance culturelle face à la ghettoïsation, seront parmi les sujets au cœur des recherches présentées. Organisé par les Archives d’Etat de Sienne et la Communauté juive de Florence en collaboration avec le CRH (représenté par Davide Mano, chercheur associé), ce colloque réunira une quinzaine de spécialistes du monde juif, du droit, de l’histoire sociale, culturelle ou économique italienne. Les actes du colloque seront publiés en 2021 par les éditions de la Direzione Generale degli Archivi.

La dérogation, le droit et le travail (XIXe-XXIe siècle)

Patrick Fridenson, Laure Machu et Jérôme Pélisse (dir.)

Pourquoi depuis 1814 le droit du travail français comporte-t-il des dérogations aux règles qu’il pose ? Comment et par quels groupes sont-elles obtenues ? Quelles en sont les fonctions et les usages ? Comment les réformes récentes ont-elles fait évoluer les domaines de compétence respectifs de la loi et des accords collectifs et introduit la notion de supplétivité ?  Cette histoire longue est traitée en quatre parties : fabriquer les dérogations ; interpréter les dérogations ; quand la dérogation devient la règle ; controverses : la dérogation dans  les réformes récentes du droit du travail, dans ce n° spécial pluridisciplinaire des Cahiers du Chatefp (Comité d’histoire des administrations chargées du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle).

L’histoire germano-polonaise. Un nouveau champ historiographique et ses contributions pour une histoire de l’Europe

12 et 13 février – Colloque – Paris, Institut historique allemand et Centre scientifique de l’Académie polonaise des sciences

L’histoire germano-polonaise est un domaine novateur et stimulant dans l’histoire de l’Europe centrale et orientale et au-delà. Ce colloque, organisé par Jawad Daheur (CNRS), Jürgen Finger (DHIP), Maciej Górny (DHI Warschau), Catherine Gousseff (CNRS), Morgane Labbé (EHESS) et Thomas Serrier (Université de Lille), propose de retracer les enjeux historiographiques et mémoriels qui ont gouverné la formation de ce champ ainsi que les concepts et méthodes sur lesquels il s’est construit depuis. Ces concepts sont aujourd’hui à la base de la dynamique du champ, notamment  dans sa capacité à associer différentes échelles d’analyse allant du local au global. Une attention particulière sera portée à la contribution de l’histoire germano-polonaise et d’autres historiographies « binationales » comme l’histoire franco-allemande au projet d’écriture d’une histoire européenne, particulièrement en ce qui concerne les approches spécifiques forgées ou adoptées par les historiennes et historiens dans ces domaines (transfert, histoire partagée, histoire croisée, histoire connectée, entangled history, Zwischenraum).