Autour de l’ouvrage d’Alain Boureau, Le feu des manuscrits. Lecteurs et scribes des textes médiévaux

4 février – Les Lundis du CRH – Paris, EHESS

Ce livre entend donner une place plus juste aux scribes des manuscrits médiévaux, non loin du statut encore flou d’auteur. On présente d’abord les obstacles actuels à une saisie historique de ce rôle : les manuscrits, devenus l’objet d’adoration ou de convoitise sont insérés dans un « patrimoine », notion douteuse qui écarte la lecture. Auparavant s’était interposée l’institution d’une « science », dont l’exigence de généalogie dépossédait aussi bien les scribes que les lecteurs. Mais le lecteur n’accède pas facilement aux textes des manuscrits : l’objet qui les porte, matériel, subit les aléas des choses et les inadvertances des hommes qui en gèrent la fabrication. Pourtant, on peut retrouver l’activité des scribes en observant les marges du manuscrit comme lieu d’organisation du matériau et en notant l’intervention directe et inventive des scribes dans le texte. Cette séance sera animée par Béatrice Delaurenti, en présence de l’auteur, avec les interventions de Pierre-Antoine Fabre (Césor), Maurice Kriegel (CRH) et Nicolas Weill-Parot (EPHE).

Une femme a passé. Méditation sur la Gradiva

Christian Jouhaud

Ce livre traite de Freud lecteur de romans. En regardant Gradiva de ce point de vue, on découvre qu’elle n’est peut-être pas celle que l’on croyait : « fragment » du discours amoureux de Barthes, « charme » chez Pontalis, modèle de peintre et maîtresse d’Eugène Delacroix au Maroc chez Alain Robbe-Grillet, escort girl de la théorie du rêve et Jeanne d’Arc de la jeune psychanalyse.
Freud réussit à transmettre le trouble poétique de l’histoire un peu niaise inventée par Wilhelm Jensen, tout en estompant – c’est un comble – la part la plus érotique du récit. Il n’en reste pas moins qu’au bout de l’enquête sur le lecteur ordinaire de fiction qu’est aussi Freud, l’énigme de sa présence au temps demeure : image intime et insaisissable – « la passante de toujours, celle des ruines là-bas et celle de Paris, celle du trouble et de l’émotion incomprise », celle des Fleurs du mal.

 

Popular Memories of the Mao Era. From Critical Debate to Reassessing History

Sebastian Veg (dir.)

On assiste depuis quelques années à l’essor en Chine continentale d’une mémoire populaire critique de l’époque maoïste, dont ce livre propose un panorama. Alors que l’État cherche à cantonner la mémoire critique dans le domaine privé, ses manifestations sont multiples en ligne et dans la presse, dans les productions culturelles, et dans les publications d’historiens amateurs, même si elles ont subi récemment une répression plus forte. Cette mémoire populaire remet en question l’historiographie officielle, et a commencé à modifier les récits communément partagés de l’histoire de la période maoïste. Des débats publics ont ainsi eu lieu depuis une décennie sur des épisodes clés de l’histoire de la République populaire : le mouvement anti-droitier, la grande famine de 1959-1961 et la Révolution culturelle. À la différence de la mémoire traumatique ou nostalgique qui dominait précédemment, ces nouveaux récits, apparus dans des revues semi-officielles ou informelles, dans des films documentaires indépendants, dans des musées privés, dans des projets d’histoire orale ou dans des recherches d’archives réalisées par des historiens amateurs, cherchent à ouvrir un espace de débat critique sur le passé récent de la Chine.

Thierry Renaux

Les travaux de Thierry Renaux portent sur l’histoire de l’aluminium et sur la préservation et la mise en valeur des patrimoines scientifique, technique et industriel. Collaborant depuis près de 20 ans avec l’Institut pour l’histoire de l’aluminium, il a soutenu une thèse au Centre Alexandre Koyré (CAK) en 2017, sous la direction de Liliane Hilaire-Pérez et de Florence Hachez-Leroy : L’aluminium au XIXe siècle. Une industrie aux pieds d’argile, entre chimie et métallurgie (1854-1890).
Au CRH, qu’il a rejoint le 14 janvier, il participe au projet ANR « ARCHIPAL » (Aluminium, architecture & patrimoine, XXe-XXIe s.).

Fleuves et sols affectés. Territoires et expériences des milieux dans les conflits et catastrophes écologiques

11 février – Journée d’étude – Paris, EHESS

L’appréhension des crises écologiques tend aujourd’hui à se faire autour de notions totalisantes, comme celle du climat, qui constituent des opérateurs de globalisation des relations entre sociétés et environnements. Ces notions appellent des formes de savoir, d’expertise et de calcul spécifiques, qui seraient seuls à même de restituer une catastrophe à la fois globale et systémique. Comment rendre compte de la pluralité des expériences de milieux, portées par les acteurs affectés par les changements radicaux ou les catastrophes écologiques ? En quoi ces expériences constituent-elles des formes de savoirs et d’expertises différents et alternatifs à ceux élaborés à une autre échelle ?
Les enquêtes présentées dans cette journée, organisée par Claudia Damasceno (CRBC, Mondes américains) et Alice Ingold (CRH), partiront de conflits ou de catastrophes écologiques observés par le bas (from below). Comment les milieux des habitants, les fleuves, les sols, sont-ils affectés par ces transformations ?

Psychédélisme, punk et techno : expériences croisées

14 février – Demi-journée – Paris, EHESS

Des débuts du psychédélisme aux raves parties contemporaines il est possible d’établir une filiation. Difficile en effet de ne pas penser à des teufeurs transportant leur sound system aux quatre coins de l’Europe quand on lit les aventures des Merry Pranksters sillonnant les USA dans un bus bariolé pour organiser des « acid tests » à grand renfort de stroboscopes, de peinture fluo, de déguisements exubérants… Et bien sûr de LSD !
Sans y appartenir, le mouvement punk s’entrecroise avec cette filiation. Son esthétique est différente, pourtant elle se rapproche de certaines composantes de la culture techno… Des punks qui s’éclatent en teknival aux Hells Angels invités à se défoncer avec les Merry Pranksters, la consommation de drogues favorise-t-elle les rapprochements entre les contre cultures qui partagent ce point commun ?
Lors de cette demi-journée, organisée par Alessandro Stella, interviendront Isaac Abrams (artiste peintre) , Alexandre Marchant (historien) et Vincent Benso(sociologue), Elise Grandgeorge (anthropologue) comme traductrice et Florian Bureau come modérateur.

La nouvelle école polonaise d’histoire de la Shoah

21-22 février – Colloque international – Paris, EHESS et Collège de France

Alors que les voix des derniers témoins de la Shoah s’éteignent et que gouvernement polonais mène une « politique historique » qui minore, et parfois nie, la participation des populations polonaises dans la traque et la mise à mort des juifs pendant et après l’occupation nazie, les travaux récents de certains chercheurs polonais renouvellent profondément les objets, les méthodes, et les connaissances sur l’histoire de la Shoah en Pologne. Faisant suite au grand colloque organisé à la Bibliothèque nationale en 2005, ce colloque, organisé par Olga Byrska (Ehess), Audrey Kichelewski (Université de Strasbourg), Judith Lyon-Caen (EHESS), Jean-Charles Szurek (CNRS), Dominique Trimbur (FMS), Annette Wieviorka (CNRS), Claire Zalc (EHESS/CNRS), a pour objectif de faire connaître aux historiens et au public français ces travaux de grande importance, et dont la diffusion est une exigence intellectuelle, mais aussi morale et politique.

La Vie des Pères. Genèse et diffusion d’un recueil de contes exemplaires du XIIIe siècle

Daniela Mariani

Thèse dirigée en co-tutelle par Marie Anne Polo de Beaulieu (EHESS), Francesco Zambon (Universita degli Studi di Trento), soutenue le 29 janvier 2019, devant un jury composé de Carlo Dona (Universita degli Studi di Messina), Gioia Paradisi (Universita Roma La Sapienza), Jean-Claude Schmitt (EHESS) et Michelle Szkilnik (Université Sorbonne Nouvelle-Paris 3)

Un « spectacle dérobé à l’histoire » : théâtres et émotions de la Révolution française

Date limite de dépôt : 28 février – Appel à communication – Paris, EHESS et Sorbonne Université Lettres

Les spectacles constituent un laboratoire privilégié pour repérer et saisir l’articulation des représentations et des émotions qu’elles provoquent. À la suite de travaux collectifs récents consacrés à l’avènement d’une « société du spectacle » au XVIIIe siècle, à la politique du répertoire théâtral et aux fictions de la Révolution (voir la bibliographie), ce colloque, organisé par Thibaut Julian (CRH) et Renaud Bret-Vitoz (Sorbonne Université Lettres) interdisciplinaire invite à explorer l’événement vécu, jusque dans son après-coup sous le Consulat et l’Empire, dans la perspective ouverte de l’histoire des émotions : l’on propose d’étudier en miroir comment la fiction théâtrale réfléchit et façonne des sensibilités en actes, tandis que des dispositifs spectaculaires sont mobilisés pour produire des effets sensibles dans la sphère publique, de sorte que les émotions sont agencées par des pratiques codifiées voire ritualisées mais s’y « dérobent » parfois de façon inattendue, déjouant l’effet escompté. Il s’agit ainsi de mettre au jour une politique des émotions sous la Révolution en confrontant le théâtre aux autres manifestations collectives ressortissant à la « forme spectacle » : de l’Assemblée à l’échafaud en passant par le champ de bataille, de la fête aux conférences, via la « culture des apparences » et les stratégies de publicité. Entre unanimité et dissensus, plaisir et choc, froideur et exaltation, quelles formes ces émotions prennent-elles ? Quel statut leur octroyer pour l’herméneutique des textes et des spectacles, et comment leurs traces (écrites, visuelles ou sonores) idéologiquement situées contribuent-elles à fixer une mémoire orientée de la Révolution ?