Premiers savoirs de la Shoah

Judith Lindenberg (dir.)

Alors que la Shoah ne portait pas encore ce nom, les lendemains de la Seconde Guerre mondiale virent l’émergence de multiples initiatives portées par celles et ceux qui en avaient été les victimes et destinées à penser et à faire connaître cet événement. Tout en reconstruisant leur vie à Paris, Buenos Aires, New York ou Tel Aviv, de nombreux Juifs survivants, mus par l’urgence de transmettre ce qu’ils avaient vécu, se firent chercheurs, écrivains, reporters ou éditeurs et utilisèrent l’écrit en yiddish sous toutes ses formes comme moyen d’action privilégié.
Cet ouvrage s’intéresse à l’histoire encore méconnue de l’émergence de ces premiers savoirs conçus avant que le champ des recherches sur le génocide des Juifs ne se polarise, au cours des années soixante, entre d’une part, le  » témoignage de la Shoah  » comme genre pris en charge par les études littéraires et de l’autre, les travaux consacrés par les historiens à la politique nazie d’extermination.
En abordant cette histoire de façon interdisciplinaire, cet ouvrage convoque des enjeux méthodologiques et mémoriels très actuels. Il vient confirmer, s’il en était encore besoin, la pertinence d’intégrer le point de vue des victimes à une historiographie qui a longtemps voulu l’ignorer, et permet d’éclairer l’histoire des écritures de la Shoah par un retour à ses origines.

Calendriers d’Europe et d’Asie

4 et 5 octobre – Colloque – Ecole des Chartes

Alors que l’aspect astronomique et mathématique du calendrier des grandes civilisations est relativement bien connu, le calendrier manuscrit ou imprimé, utilisé au quotidien pour « habiter le temps », a été peu étudié pour lui-même, que ce soit en Europe ou en Asie. Confronter, scruter, faire résonner les cycles calendaires produits en Europe, aussi bien dans la Grèce ou la Rome antique, qu’au Moyen Âge, avec les calendriers retrouvés dans les tombes et grottes en Chine entre le IIIe siècle avant notre ère et le Xe siècle après notre ère, ou encore produits au Japon du VIIIe au XVe siècle et plus tardivement en Asie du Sud et du Sud-Est, ont fait l’objet de deux ateliers. Le premier a traité des « Calendriers imagés et calendriers en images » (mai 2016), le second des « Supports, usages et fonctions des calendriers » (octobre 2016). Lors du colloque conclusif, organisé par Alain Arrault (École française d’Extrême-Orient et Centre d’études sur la Chine moderne et contemporaine), Olivier Guyotjeannin (École des Chartes et Centre Jean-Mabillon) et Perrine Mane (CNRS- EHESS-CRH), quatre thèmes seront abordés : Calendriers et images, Calendriers savants, Calendriers du quotidien, Calendriers et nature. Une quinzaine de spécialistes, venus de France, d’Europe et d’Asie, interviendront sur ces différents sujets.

Gender, Families and Transmission in the Contemporary Jewish Context

Martine Gross, Sophie Nizard, Yann Scioldo-Zurcher (ed.)

Regroupant des contributions de chercheurs de France, d’Israël, des États-Unis, de Belgique et de Suisse, cet ouvrage propose de repenser les questions de transmission, des rapports de genre et des normes familiales dans les judaïsmes contemporains. En étudiant les rapports entre traditions et adhésions aux valeurs de la démocratie et de la modernité, les auteurs observent la façon avec laquelle, en diaspora ou en Israël, les univers traditionnels juifs sont bouleversés et répondent pragmatiquement aux innovations sociales qu’ils rencontrent. Cet ouvrage revisite les relations « à l’autre » dans un monde juif que l’on doit penser comme étant « multiple », en constantes évolutions et les conditions d’unification de ces mondes ; une notion chère au judaïsme et sur lequel cet ouvrage apporte des éclairages.

Le nom des femmes

Agnès Fine et Christiane Klapisch-Zuber (dir.)

Notre système des noms propres, composé d’un nom de famille et d’un prénom, est le fruit d’une longue évolution qui a fait du « nom de famille » le support privilégié de l’identité d’appartenance et souvent un discriminant de l’identité des femmes par rapport aux hommes, ces derniers pouvant seuls transmettre leur nom de famille à leur descendance. L’autre élément du nom propre, à savoir ce que nous appelons le prénom, fut pendant des siècles le seul nom de l’individu, homme ou femme. Or, ce prénom donné à la naissance a pu également signifier la moindre valeur des filles et donner à voir une subordination des femmes. Que font les noms sexués aux personnes ? En quoi peuvent-ils avoir des effets sur la construction sociale du sexe ? Quand et comment les femmes ont-elles contesté notre système onomastique ?
Ce numéro de Clio met en lumière les différentes formes de la subordination des femmes révélées par le nom propre, dans les sociétés européennes du passé comme dans d’autres sociétés, ainsi que la révolution, depuis les années 70, des législations européennes du nom de famille, pour permettre une égalisation du traitement des noms de femmes et des noms d’hommes.

 

Le Che à mort

Marcela Iacub

Pour comprendre la portée du miracle, il faut commencer par l’effet qu’il a produit : la transformation du Che en héros éthique. Cette « décoration » résulte d’une comparaison entre lui et nous, le commun des mortels, qui n’aurions d’autre Dieu que notre intérêt individuel, notre égoïsme, la quête de notre propre plaisir. Tandis que le Che, mû par l’amour qu’il éprouvait pour l’humanité, sacrifia sa vie pour elle. Peu importe que ses idées aient été erronées, que le type de société qu’il cherchait à faire naître soit exécrable. Ce qui compte, c’est qu’il ait cru que le chemin pour la rédemption de l’humanité était celui-là et qu’il ait tout donné pour l’atteindre. »
Cinquante ans après sa mort, Che Guevara reste une figure aussi mythifiée que controversée. Saint ou démon, criminel ou bienfaiteur de l’humanité ? L’auteur livre ici un portrait très personnel, lucide et sensible du dernier héros révolutionnaire. Elle raconte l’itinéraire et les combats, mais surtout l’invention par lui-même d’un personnage « assassin et martyr », voué à un destin grandiose. Sans le juger ni l’absoudre, Marcela Iacub le saisit au plus vif de sa vérité.

Yann Scioldo-Zurcher

Yann Scioldo-Zürcher est historien du temps présent, chargé de recherche au CNRS. Ses travaux ont porté sur les politiques d’intégration mises en place pour les rapatriés coloniaux, dont les Français d’Algérie. Historien des pratiques administratives créées à l’intention des migrants nationaux -ceux qui ont la nationalité du pays dans lequel ils s’installent- il privilégie l’étude des trajectoires migratoires, des politiques publiques qui les encadrent et des projets qui les sous-tendent. Après avoir étudié les mobilités de populations originaires du Maghreb vers la France et le Canada, il s’intéresse désormais aux itinéraires de toutes les populations venues en Israël durant la décennie 1950. Il est notamment l’auteur de Devenir métropolitain, parcours et politique d’intégration de rapatriés d’Algérie en métropole, de 1954 au début du XXI° siècle, Paris, Éditions de l’EHESS, 2010. Avec Martine Gross et Sophie Nizard (dir.), Gender, Families and Transmission in the Contemporary Jewish Context, Cambridge Scholars, 2017. Il rejoint le CRH au 1er septembre.

Jawad Daheur

Diplômé en sciences sociales et en histoire après des études à l’ENS de Cachan et à l’Université de Paris I Panthéon-Sorbonne, Jawad Daheur est docteur de l’Université de Strasbourg. Il a soutenu en novembre 2016 une thèse intitulée : « Le Parc à bois de l’Allemagne. Course aux ressources et hégémonie commerciale dans les bassins de la Vistule et de la Warta (1840-1914) ». Recruté en juillet 2017 sur un contrat post-doctoral à l’EHESS, il vient d’intégrer l’équipe du GRHEN. Ses terrains d’étude privilégiés sont les mondes germaniques et l’Europe centrale (la Pologne principalement). Au confluent de l’histoire économique, de l’histoire sociale et de l’histoire environnementale, son projet de recherche actuel porte sur les ressorts environnementaux du sous-développement en Galicie autrichienne (1873-1914). Centré sur la question de la misère rurale, ce projet invite à une approche rematérialisée du phénomène de la pauvreté, attentive à la quantification des inégalités et des flux de matière et d’énergie, ainsi qu’à l’évolution conjointe des systèmes sociaux et des écosystèmes.

Travail de care et genre

14 septembre – Journée d’études – EHESS, Paris

Définissant les contours d’un travail subalterne fondé sur des relations de proximités relationnelles et de moindre reconnaissance salariale, Pascale Molinier laisse entrapercevoir la richesse heuristique de la mobilisation du concept de care pour les historien-nes du genre et des rapports de dominations. Elle écrit en effet que le travail de care désigne « des activités spécialisées où le souci des autres est explicitement au centre », « des activités domestiques réalisées au sein de la famille et leur délégation » et plus largement « une dimension présente dans toutes les activités de service, au sens où servir, c’est prêter attention à ». Aujourd’hui, la plupart de ces activités, gratuites ou rémunérées sont occupées par des femmes, et Dominique Memmi souligne que le lien entre care et femmes « reste écrasant et quelque peu vertigineux, en théorie comme en pratique ». Envisagé par les sociologues dans sa dimension éthique et émotionnelle, économique et politique, le care est alors une entrée problématique majeure pour repenser le temps long de l’histoire du travail subalterne de soin et de service, largement féminin. Bien que ce concept n’ait pas été forgé par (ni pour ?) des historien-ne-s, comment l’usage du care éclaire-t-il l’histoire genrée du travail ? Si le lien entre care et femmes semble aujourd’hui évident, qu’en est-il, sur temps long, de la dimension genrée du travail subalterne de soin et de service ? Quelle est la variabilité historique de ce lien entre femmes et care ?
L’atelier « travail de care et genre », organisé par Anne Hugon (IMAF-Paris 1 Panthéon-Sorbonne), Clyde Plumauzille (CRH-EHESS) et Mathilde Rossigneux-Méheust (LARHRA-Lyon 2) constitue le premier volet du projet de recherche sur les usages du concept de care pour les historien-ne-s du travail, du genre et des rapports de domination.

 

Le chiffre et la carte

21 au 23 septembre – Colloque international – Université du Québec à Montréal, Montréal

Le chiffre (le recensement, les enquêtes statistiques, les données, les artefacts comme le taux de chômage ou l’indice des prix) et la carte (les descriptions géographiques, les différents types de cartes, géologiques, topographiques, etc., leur soubassement foncier) sont deux des technologies dont parle Benedict Anderson dans son célèbre Imagined Communities et qui, avec le musée, ont contribué à forger l’imaginaire national. Ces deux technologies ont rarement été analysées parallèlement ou conjointement. C’est ce que nous tenterons de faire durant ce colloque qui réunit des spécialistes de sociohistoire de la quantification et de cartographie historique provenant d’Amérique latine, d’Amérique du nord et d’Europe.
Centré autour de trois ateliers consacrés à l’Amérique latine, le colloque, organisé par Jean-Pierre Beaud et Jean-Guy Prévost, permettra de montrer l’énorme développement de la recherche sur l’Amérique latine du point de vue du rôle du chiffre et de la carte. Il mettra aussi en parallèle cette production avec celle des spécialistes d’autres aires géographiques, l’Amérique du nord, l’Europe et l’Afrique. De plus, ce colloque fera communiquer divers savoirs (politologique, sociologique, démographique, historique, etc.) et dialoguer différentes générations de spécialistes de l’histoire de la raison statistique et cartographique.

 

Entre le ciel et la terre Cosmographie et savoirs à la Renaissance

L’Atelier du CRH, n°17, 2017

Ce dossier dirigé par Jean-Marc Besse, Leonardo Ariel Carrió Cataldi et Andrés Vélez Posada étudie le développement, au début de l’époque moderne, de la cosmographie ainsi que des pratiques et des savoirs visant, au sens large, à décrire le monde. Au carrefour des études de la Renaissance, de l’histoire des sciences, de l’histoire intellectuelle et de celle des empires, les contributions dressent un cadre d’analyse large et riche de débats historiographiques à partir d’un choix suggestif des problématiques et des cas d’étude. De l’analyse des expériences géographiques dans la Venise de Ramusio ou dans la Séville du Padrón Real à l’étude des traités traversés par des disputes cosmologiques et religieuses écrits par Louis Le Roy, Sebastian Frank ou Marin Mersenne, les différents articles du dossier interrogent la stabilité des savoirs sur le monde. De l’exploration de leurs configurations et de leurs rapports dans un périmètre aussi large que possible, entre le ciel et la terre, une proposition générale émerge : celle d’envisager la cosmographie à la Renaissance non pas par une définition restreinte mais plutôt comme un « terrain de savoirs » en pleine transformation.