Histoire & Mesure, 2019, vol. XXXIV-2
Jusqu’à la fin de l’époque moderne l’eau n’existe qu’au pluriel, dans une diversité d’eaux incommensurables qui reflètent autant de localités, qualités, droits, usages et valeurs. L’eau, telle qu’elle nous apparaît aujourd’hui, est le résultat d’un processus d’abstraction qui permet de la penser comme un objet interchangeable et global, alors même qu’elle reste toujours inscrite dans un contexte et des relations sociales locales.
En quatre articles, ce dossier explore le mouvement progressif qui, entre les xviiie et XIXe siècles en France et en Belgique, conduit à définir et représenter l’eau comme une entité abstraite et unifiée. Chacun montre que si elle a pu être appréhendée comme ressource et bien commensurable, c’est que des mesures ont réduit l’eau à un objet de gestion, que ce soit dans le contexte d’un partage, d’une distribution ou d’un manque.
Navigant sur une mer de chiffres, le premier article de la rubrique varia tente, lui, de cerner les activités d’un grand marchand vénitien au départ de l’analyse de livres de comptes tenus à l’occasion de deux voyages vers la Flandre et l’Angleterre dans le dernier tiers du XVe siècle. Traitant de la noblesse d’apparence, porteuse d’un patronyme à particule, le deuxième article interroge, à partir de larges bases de données nominatives, les stratégies sociales distinctives de ce groupe, depuis la fin de l’Ancien Régime. Le volume se clôt avec l’analyse d’un large corpus de photos vernaculaires prises dans l’Inde du XXe siècle, livrant à la fois une proposition méthodologique novatrice et un examen de l’évolution d’une pratique sociale située.