Vivre et travailler avec les drogues

9 mars – Demi-journée d’étude – EHESS, Paris

La culture européenne a intégré pendant des siècles qu’on vivait et qu’on travaillait avec l’alcool, le vin en particulier. « Le vin aide à tenir le coup, ça donne des forces et ça fait supporter l’effort », qu’on disait. Au point que jusqu’à une époque récente, surtout dans les régions viticoles, le vin faisait partie de la paie des travailleurs. Comme la coca pour les mineurs des Andes.
Avec l’arrivée et la diffusion massive, depuis cinquante ans, des drogues venues d’ailleurs (cocaïne, cannabis, héroïne), les Occidentaux ont appris à vivre et travailler avec les drogues. Si des enquêtes socio-sanitaires, conduites sur des usagers problématiques, pointent le décrochage scolaire, l’absentéisme au travail, ou la lente pente vers la déchéance physique et psychique provoquée par la consommation de psychotropes, d’autres études montrent que des usagers ne passant pas par des centres de soins arrivent à gérer leur consommation, être productifs, s’occuper de sa famille, avoir une vie normale. Chez des travailleurs du bâtiment ou de la restauration, dans le monde des arts et des spectacles, comme finalement dans n’importe quelle secteur professionnel, l’usage de psychotropes fait désormais partie intégrante du paysage.
Doit-on s’en émouvoir, doit-on les condamner, doit-on réguler, encadrer ou tolérer ces pratiques comportementales en soi interdites ? En tout cas, qu’on le veuille ou non, le drogues et les « drogués » sont parmi nous, sont nos voisins quotidiens, et on peut se demander s’il ne faudrait pas envisager d’arrêter les hypocrisies et vivre avec.

Marie Ngo Nguene  (sociologue, doctorante Paris 10 Nanterre) , Astrid Fontaine (sociologue) et Jean-Pierre Couteron (psychologue clinicien, président de la Fédération Addiction)