Histoire intellectuelle des émotions de l’Antiquité à nos jours

Damien Boquet et Piroska Nagy (dir.)

Quoi de plus universel en apparence que le frisson de la peur ou le bouillonnement de la colère ? Sur la base de ce présupposé s’est construit depuis le XIXe siècle tout un corpus de savoirs variés qui portent l’ambition de mettre en ordre l’infinie complexité de ces palpitations du corps et de l’âme qui nous relient au monde et font que nous sommes des êtres d’expériences. Et cependant, le travail historique nous apprend que l’évidence de l’universalité des émotions est elle-même le fruit de la contingence des savoirs. Dès lors, une histoire critique des émotions appelle au préalable une historicisation des savoirs qui les pensent. Nous ne considérons pas l’objet comme déjà constitué, comme s’il s’agissait de montrer l’avènement, avec ses phases de stabilité et d’accélération, d’un savoir « vrai » ou moderne d’une émotion atemporelle. Au contraire, les procédures qui conduisent à délimiter l’objet et qui le produisent comme « discours véridique » sont au cœur de l’enquête. C’est pourquoi nous avons posé les bases d’une approche comparatiste, dans le temps (de l’Antiquité à nos jours), dans l’espace (entre l’Occident et la Chine), en privilégiant le dialogue entre les champs disciplinaires (histoire, études littéraires, psychologie) qui sont invités ici à penser leur propre histoire. L’exercice d’épistémologie historique ne retire rien à la scientificité ni à l’efficacité sociale des savoirs de l’émotion : il relève du travail de lucidité intellectuelle de tout un chacun qu’il soit historien, psychologue ou neurologue.