Les membres du Centre de Recherches Historiques (UMR 8558, EHESS-CNRS), réunis en Assemblée générale le 27 janvier 2020, déclarent leur vive préoccupation à la lecture des rapports préparatoires à la Loi de Programmation Pluriannuelle de la Recherche (LPPR) envisagée par le Ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation. Ils s’associent aux laboratoires, institutions et autres organismes de l’ESR, déjà très nombreux, qui ont manifesté leur opposition aux orientations envisagées par le gouvernement.
Consulté au printemps 2019, le CRH avait déjà exprimé ses inquiétudes face aux thèmes choisis pour la concertation préparatoire à la LPPR, thèmes qui montraient la volonté du gouvernement d’inféoder la recherche à un monde où le financement serait dévolu aux partenariats privés, à la recherche du profit, à la volonté de compétitivité, à la précarisation des métiers de la recherche et d’appui à la recherche, en comprimant les budgets dévolus aux ressources pérennes et aux personnels. Les rapports préparatoires et les récentes déclarations de notre ministre confirment malheureusement les craintes exprimées par les membres du Conseil de Laboratoire du CRH le 8 avril 2019.
Les rapports préparatoires dressent un état des lieux que nous partageons : seules une forte augmentation du nombre de chercheurs et administratifs titulaires, la sécurisation des carrières sur la longue durée, l’évaluation qualitative et non quantitative des travaux et des institutions peuvent garantir le rayonnement de la recherche et son inscription durable dans les enjeux contemporains.
Or les préconisations que contiennent les rapports vont à l’encontre de ces objectifs. Nous pensons qu’elles ne feraient qu’amplifier la crise actuelle en privilégiant une politique des sciences autoritaire, bureaucratique et éloignée de la recherche fondamentale, fondée sur la sélection par appels à projets, sur la mise en concurrence systématique des laboratoires et sur la réduction drastique des recrutements pérennes réservés à une minorité chargée de piloter le travail précaire. Dans une filiation évidente avec la loi LRU (dite Pécresse) de 2007, la réforme des retraites et les décrets d’application de transformation de la fonction publique, les orientations de la LPPR démantèlent et disloquent le service public et l’orientent vers une vision managériale de la recherche.
Nous, chercheurs, enseignants-chercheurs, personnels techniques et administratifs, représentants des doctorants du Centre de Recherches Historiques, dénonçons la poursuite de cette politique de précarisation généralisée et de mise en concurrence. Nous défendons l’organisation d’une recherche publique, durable, attachée aux valeurs de liberté académique, d’émancipation et d’égalité. En conséquence, nous réclamons un moratoire dans la préparation de la LPPR et demandons au gouvernement d’y associer les laboratoires de recherche afin de prendre acte des constats partagés par la communauté de l’ESR.
Nous proposons :
- un plan massif de soutien à la recherche publique passant par la reconnaissance et la consolidation de tous les statuts de la recherche publique et de l’enseignement supérieur ;
- un plan durable de recrutement de titulaires, chercheurs comme personnels d’appui, en premier lieu pour compenser la baisse importante des effectifs constatée depuis plusieurs années ;
- le rétablissement de budgets ambitieux et pérennes pour les unités et équipes de recherche ;
- l’augmentation du nombre des contrats doctoraux et leur revalorisation ;
- une évaluation par les pairs privilégiant la qualité des productions et des parcours plutôt que leur quantité ;
- le transfert des budgets du crédit impôt recherche à la recherche publique.
Refusant de voir notre fonction sociale réduite aux exigences d’une bureaucratie destinée à favoriser des logiques concurrentielles et des intérêts privés, ayant à cœur de soutenir une recherche fondamentale au service de la société, nous appelons chacune et chacun à s’informer, participer aux séminaires et Assemblées générales de mobilisation, prendre part aux manifestations et aux autres actions.
Motion votée lors de l’Assemblée générale par 60 membres du Centre de Recherches Historiques : 59 voix pour, 1 abstention, 0 voix contre