Date limite de dépôt : 15 octobre
Différentes notions sont utilisées, aussi bien dans la vie ordinaire que dans l’écriture historique, pour penser les séquences temporelles et le changement historique : époque, période, moment, ère, siècle, etc. Nous vous proposons, à l’occasion de ce forum, de revisiter ces catégories de manière pragmatique en interrogeant votre propre relation avec vos objets et méthodes de recherche. La réflexion pourra s’orienter dans une double perspective.
Elle pourra porter sur les catégories épistémologiques qui façonnent l’approche historienne du temps et du changement historique. Cette première perspective, réflexive, vise à questionner les modes de production des découpages temporels en histoire, à savoir l’emploi, la signification et les limites que nous assignons aux termes ‘époque’, ‘période’, ‘moment’, ‘ère’, ‘siècle’, etc. Nous invitons à prêter attention aux grandes périodes canoniques (‘Antiquité’, ‘Moyen Âge’, ‘Époque moderne’, ‘Époque contemporaine’) ou à d’autres découpages institutionnels, (‘ère Meiji’, ‘époque coloniale’, ‘siècle de Périclès’, etc.), mais bien plus encore à l’usage anodin, presque conjoncturel, parfois semi-conscient, d’un vocabulaire spécifique visant à élaborer et justifier le cadrage temporel d’une recherche ou d’un objet historique donnés. Quand et pourquoi sommes-nous amenés à parler d’époque ou de période ? Ces catégories ont-elles une pertinence en tant que telles ? Comment construisons-nous, dans notre mode d’écriture historique, les cadres temporels qui structurent nos travaux ? Quels principes justifient la sélection, la hiérarchisation, la mise en série, ou encore l’identification d’origines, de continuités, de ruptures et de tournants ? Ces questions se posent en particulier lorsque nous sommes amenés à confronter différents corpus ou différentes thématiques : selon l’objet, selon l’échelle, les séquences temporelles sont parfois discordantes. Comment articuler les temporalités enchevêtrées de nos objets historiques pour parvenir à un récit cohérent ? Le débat pourra aborder également la question de la transdisciplinarité : comment conjuguer la périodisation, propre à l’exercice historique, avec les emprunts à l’anthropologie, la sociologie, la littérature ? De manière symétrique, le mouvement d’hyperspécialisation de notre discipline renforce-t-il ou atténue-t-il les effets de la division temporelle ?
La réflexion pourra par ailleurs porter sur l’usage des catégories temporelles par les acteurs historiques eux-mêmes. Dans cette seconde perspective, il s’agit moins de s’interroger sur ce qui fait époque à un moment donné, que sur la manière dont le sentiment d’appartenir à une époque s’exprime et transparait dans les sources. D’une part, le réflexe de penser en période, en ère etc. n’a pas les mêmes implications et le même sens dans toutes les sociétés. D’autre part, dans certains cas, les cadres conceptuels qui surgissent dans le débat social entrainent un changement du regard sur les périodes présentes et passées. Dans quelle mesure la continuité culturelle ou sociale, et les ruptures introduites dans cette continuité, sont-elles perçues et exprimées dans la vie courante ? À partir de quel laps de temps les acteurs historiques considèrent-ils avoir changé d’époque par rapport à leurs prédécesseurs ? Quelle place prennent les effets d’âge et de génération dans ce processus ? Et par suite, quels indices terminologiques ou conceptuels permettent à l’historien de saisir qu’un changement, qu’une transformation ou, au contraire, qu’un sentiment de continuité, ont été perçus et formulés ?