Michel de Certeau et la littérature

Jean-Christophe Abramovici et Christian Jouhaud (dir.)
L’Atelier du CRH, 19 bis, 2018, revue électronique

Les vingt communications issues du colloque « Michel de Certeau et la littérature » publiées dans ce volume apportent des réponses à ces questions. Elles le font en visant trois objectifs : dresser un état des lieux du littéraire certalien ; décrire et comprendre pourquoi et comment Certeau historien a constamment envisagé l’historiographie la plus rigoureuse comme « fiction » et comme « littérature » ; saisir comment la problématique des actes de lecture débouche sur une éthique et une politique de la présence et de l’absence. Elles le font aussi en tentant de prendre la mesure des potentialités théoriques du recours à la littérature chez Certeau qui a écrit que « la littérature est le discours théorique des procès historiques » et que le roman « c’est le rapport que la théorie entretient avec l’apparition événementielle de ses limites ».

La légende de Yosef della Reina, activiste messianique

Jean Baumgarten

Jean Baumgarten présente ici trois versions de la célèbre légende kabbalistique de Yosef della Reina, étudiée naguère par Gershom Scholem et Zalman Shazar. La première, en hébreu, date du XVIIe siècle, la deuxième fut rédigée en yiddish au XVIIIe, et la dernière est l’un des premiers poèmes composés en yiddish par le jeune Shmuel Yosef Agnon, alors âgé de 15 ans, bien avant donc qu’il ne devienne Prix Nobel de littérature. Cette légende raconte l’histoire d’un anti-héros qui voulut accélérer la venue du Messie par des moyens magiques et des techniques mystiques. Son histoire se termine dans un fiasco tragique, par sa chute et sa disparition. Ce personnage mythique a nourri l’imaginaire religieux des juifs à toutes les époques depuis l’Espagne médiévale d’avant l’Expulsion de 1492 jusqu’à l’époque contemporaine. L’ouvrage présente trois versions de cette légende : La première a été rédigée en hébreu par Salomon Navarro au XVIIe siècle. Après l’échec de l’aventure de Shabbatai Tsevi, un juif d’Amsterdam, Leyb Oyzer, rédigea, au début du XVIIIe siècle, une nouvelle version en yiddish pour condamner les errements du « pseudo-messie ». Le prix Nobel de littérature, Shmuel Yosef Agnon, rédigea un poème sur l’aventure tragique de ce héros. L’historien de la mystique juive, Gershom Scholem, et Zalman Shazar, futur président de l’Etat d’Israël, furent parmi les premiers à étudier cette histoire qu’ils considéraient comme un des grands mythes de la littérature juive.

Les études juives entre mémoire, histoire et transmission

6 juin – Journée doctorale et jeunes chercheurs en études juives – Ehess, Paris

Alors que le brassage de méthodologies caractérise la plupart des domaines des sciences sociales et ne cesse de s’élargir à la faveur des échanges interdisciplinaires, les « études juives » sont, par nature, au croisement des autres disciplines. En outre, « entre histoire, mémoire, et transmission », elles ont exercé / exercent- un rôle dans l’élaboration de l’image du passé et du présent.
La journée se conclura par la remise du Prix de thèses en études juives (session 2017-2018), par Madame Mireille Hadas-Lebel, présidente du jury organisé par la Société des études juives, la Commission française des archives juives et la Fondation pour la Mémoire de la Shoah.

Approches matérielles et processuelles de la création

20 juin – Journée d’étude – EHESS, Paris

Depuis la fin des années 1990, les travaux issus du « tournant matériel » en sciences humaines et sociales cherchent à dépasser le point de vue fonctionnel sur les objets et leur rôle dans la vie sociale : il ne s’agit plus (seulement) de comprendre à quoi servent les objets, mais de déterminer comment les objets jouent un rôle actif dans les processus sociaux, voire comment ils prennent part à l’action humaine. Cette journée propose d’appliquer ces perspectives théoriques à l’étude de la création en posant la question : comment le « material turn » peut-il nourrir des nouvelles perspectives dans la recherche sur les formes de création ?

L’Occupation du monde

Sylvain Piron

Le désastre vers lequel nous avançons est annoncé depuis un demi-siècle. Parmi les penseurs de l’écologie politique des années 1967-72, les parcours de Gregory Bateson et d’Ivan Illich permettent d’observer l’émergence de cette réflexion, puis son occultation sous l’effet du tournant néo-libéral des années 1980. Mais pour saisir la puissance du mythe et ses effets dévastateurs, il faut remonter bien plus haut. L’appétit de transformation du monde naturel par l’action humaine correspond à une pente générale de l’Occident dans la longue durée du second millénaire de l’ère chrétienne. C’est ce que l’on peut décrire comme une dynamique d’occupation du monde, au double sens d’une occupation objective par des êtres subjectivement occupés à le transformer.

Les réformes financières (1982-1985)

Vingtième siècle. Revue d’histoire – 138, avril-juin 2018
1983, un tournant libéral ?

Florence Descamps, Laure Quennouëlle-Corre, et al.

Avec ce dossier, la revue Vingtième Siècle revient sur ce qui a longtemps été considéré comme le tournant de la rigueur et le début de politiques » néolibérales » en France, et replace le plan de mars 1983 dans son contexte national et international. En croisant des approches d’histoire politique et d’histoire économique, à partir de sources inédites, les auteurs se demandent si les ministres socialistes et les experts du ministère de l’Économie et des Finances ont pris ce virage par conviction, par contrainte ou par pragmatisme.

Du ministère de Pierre Mauroy à celui de Pierre Bérégocoy en passant par celui de Jacques Delors, la chronologie de ce moment politique offre des ruptures décalées et des continuités inattendues

Sara Lipton (Stony Brook University)

24, 28, 30 mai et 12 Juin – Conférences – EHESS, Paris

Sara Lipton est professeure au département d’histoire de State University of New York at Stony Brook, invitée à l’EHESS par Maurice Kriegel (EJ). Son livre paru en 2014, Dark Mirror : The Medieval Origins of Anti-Jewish Iconography (New York, Metropolitan Books/Henry Holt) a profondément renouvelé la réflexion sur la représentation des Juifs dans l’art médiéval. Ses travaux apportent une contribution puissante à la recherche sur l’image médiévale et ses usages.

Itzhak Nitzan Lebovic (Lehigh University)

3, 17, 24 et 25 mai – Conférences – EHESS, Paris

Professeur au département d’histoire au Berman Center for Jewish Studies à Lehigh University, détenteur de la Apter Chair for Holocaust Studies and Ethical Values, membre du Center of Advanced Judaic Studies à Philadelphie, Itzhak Nitzan Lebovic, invité à l’EHESS par Maurice Kriegel (EJ), est l’auteur de nombreux articles et de deux ouvrages importants The Philosophy of Life and Death: Ludwig Klages and a Nazi Biopolitics (Palgrave Studies in Cultural and Intellectual History,” Palgrave Macmillan Press, 2013); Zionism and Melancholy: The Short Life of Israel Zarchi [en Hebreu] (Jérusalem: Carmel, 2015), qui lui ont valu de nombreux prix.
Sa série de conférences A German Jewish Time, suivra le parcours intellectuel de quelques émigrés juifs allemands fondateurs de champs disciplinaires : Georg Simmel, Martin Buber, Hannah Arendt, Walter Benjamin et Paul Celan. Itzhak Nitzan Lebovic analysera la manière dont leur approche du temps, tout en contribuant à leur pensée du politique, éclaire l’engagement abstrait qui leur a permis de renouveler tant leurs champs disciplinaires respectifs que l’engagement politique en lui-même.

Catherine König-Pralong (Université de Freiburg im Breisgau)

30 janvier, 9, 21 et 23 mars – Conférences – EHESS, Paris

Catherine König-Pralong, invitée par Etienne Anheim et Sylvain Piron, est professeure d’histoire de la philosophie à l’Université de Freiburg im Breisgau en Allemagne. Depuis 2014, elle dirige le projet européen (ERC-Consolidator Grant) « Medieval Philosophy in Modern History of Philosophy » (MEMOPHI). Son approche se singularise, au sein des études philosophiques, par un souci de dialogue avec l’histoire et les sciences sociales. Ses nouvelles recherches, illustrées par un livre publié en 2016 (Médiévisme philosophique et raison moderne. De Pierre Bayle à Ernest Renan, Paris, Vrin), s’interrogent sur la construction d’une histoire de la philosophie qui accompagne l’institutionnalisation de cette discipline dans l’Europe des XVIIIe et XIXe siècles. Dans une approche interdisciplinaire de l’histoire de la philosophie, elle étudie les croisements entre cette discipline naissante et les sciences naturelles, la linguistique, la géographie, l’ethnologie, l’anthropologie et l’histoire de la culture. Elle met ainsi en évidence un ressort central de la construction de la modernité. Aux XVIIIe et XIXe siècles, les historiens de la philosophie et de la culture élaborent de grands récits dans lesquels la rationalité analytique et réflexive (auto-analytique) est considérée comme le propre ou la culture de l’Europe. Dans le même mouvement, ils identifient d’autres ensembles culturels perçus comme exotiques, archaïques, hétérogènes (aux sens biologique et culturel) ou prémodernes, comme la sagesse chinoise, la pensée arabe ou la scolastique médiévale.

 

« Honorary Foreign Member » 2017 par L’American Historical Association

L’American Historical Association (AHA), aujourd’hui l’association qui compte le plus grand nombre d’historiens au monde, décerne depuis 1885 chaque année un prix (award) de « membre d’honneur étranger » (honorary foreign member) à une historienne ou un historien étranger pour à la fois la qualité de ses recherches et l’assistance apportée à des historiens américains venus faire des recherches dans leur pays.
Le prix 2017 a été attribué à Patrick Fridenson, directeur d’études à l’EHESS et membre du CRH. On trouvera la liste de ses travaux qui portent sur l’histoire des entreprises, l’histoire du travail, l’histoire des fonctions économiques de l’Etat et sur la guerre du XIXe au XXIe siècle dans une perspective comparative entre la France et d’autres pays (Allemagne, Etats-Unis, Japon) sur le site du CRH : http://crh.ehess.fr/document.php?id=341
Il a dirigé la revue d’histoire Le Mouvement Social et dirige la revue Entreprises et Histoire. Le prix lui a été remis le 4 janvier 2018 lors du congrès annuel de l’AHA à Washington.

Sur les 37 dernières années quatre Français avaient reçu ce prix :  Emmanuel Le Roy Ladurie (1981), Michelle Perrot (1988), Jacques Revel (2008) et Roger Chartier (2014).