Béatrice Delaurenti
Bâiller fait bâiller, pleurer fait pleurer. D’une manière comparable, entendre une craie qui crisse fait frissonner, apercevoir une personne qui mange fait saliver, ressentir la confiance du médecin donne au malade l’énergie de guérir. Dans cette énumération, les expressions corporelles et psychologiques se conjuguent. Ces phénomènes attestent des effets de contamination des mouvements émotionnels.
Le latin médiéval dispose d’un terme spécifique pour désigner cette contagion : la compassion. Selon l’étymologie, il s’agit d’éprouver ensemble une passion. Pour les auteurs scolastiques, la compassion est une réaction involontaire de l’âme ou du corps qui reflète le comportement d’autrui comme par imitation, selon un principe de sympathie.
La double énigme de la compassio – énigme de la trajectoire du mot, énigme du phénomène lui-même – constitue le fil conducteur d’une enquête à travers les sources universitaires du Moyen Âge.