Visions et visualités Philosophie politique et culture visuelle

Maxime Boidy et Francesca Martinez Tagliavia (dir.)

Depuis l’annonce d’un « tournant visuel » au début des années 1990, la vision s’est imposée comme un terme clé dans les sciences humaines et sociales. La visualité, en dépit d’usages foisonnants dans les débats anglo-américains, demeure une notion plus méconnue. Incluant la première traduction française du texte fondateur de W. J. T. Mitchell sur le pictorial turn, cet ouvrage propose une brève archéologie des Visual Studies sous la forme d’un tour d’horizon de ces notions polysémiques et plurielles.
Des savoirs féministes sur l’image au rôle séminal du visible dans l’œuvre de Michel Foucault, des icônes byzantines aux stars d’Hollywood, les six textes rassemblés constituent une anthologie à la fois critique et accessible, qui éclaire les mutations de la pensée contemporaine après l’essor global des études visuelles. Où l’on apprend que la visualité n’est pas réductible à un regard socialement construit, mais qu’elle désigne historiquement une capacité politique : une vision en mesure de redéfinir ce qu’est aujourd’hui l’imagination de l’égalité et de l’émancipation.

 

ANR Archipal (Aluminium, architecture & patrimoine, XXe-XXIe s.)

ARCHIPAL, ANR porté par Florence Hachez-Leroy (GRHECO),  ambitionne d’écrire l’histoire de l’aluminium dans l’architecture, saisir les processus de patrimonialisation et dresser un inventaire de la présence et de l’état de conservation de ce matériau dans le patrimoine bâti de la France. Ce métal, source d’innovations techniques et de création artistique, intègre des problématiques sociétales comme la durabilité et l’économie circulaire. Son histoire et sa présence au sein des éléments patrimoniaux du bâti n’ont jamais été étudiées, ce qui constitue un obstacle à l’analyse et à la sauvegarde des patrimoines concernés. La base de données pluridisciplinaire à créer permettra l’étude, la diffusion de ses usages dans le bâtiment et la définition de stratégies de conservation et de restauration des ouvrages repérés. Enfin, une meilleure connaissance de sa dissémination, dans le temps et l’espace, des stratégies des acteurs, des techniques de mise en œuvre et de conservation aidera à réfléchir sur les Objectifs de développement durable.

Posséder la nature Environnement et propriété dans l’histoire

Frédéric Graber et Fabien Locher

Les dernières décennies ont vu l’essor des préoccupations environnementales, en même temps que l’émergence d’un mouvement en faveur des communs. Malgré cela, les débats sur les enjeux écologiques contemporains ont eu tendance à délaisser la question centrale de la propriété. Une fausse alternative s’est dessinée entre une certaine orthodoxie économique, qui voit dans la propriété privée un cadre optimal d’exploitation et de conservation des écosystèmes, et des visions parfois trop romantiques des pratiques communautaires.
C’est oublier que les formes de la propriété sont consubstantielles aux dynamiques d’appropriation de la nature : des vagues successives de marchandisation à l’instrumentalisation par les États des politiques de protection environnementale, elles sont un lieu crucial où se nouent nature et capital, pouvoir et communauté, violence et formes de vie. À l’heure où le développement des technosciences et les bouleversements géopolitiques internationaux reconfigurent les liens entre environnement et propriété, ce recueil propose un éclairage inédit sur une histoire longue et conflictuelle.

Prix Alain Desrosières (2018)

Le prix Alain Desrosières 2018 a été attribué à Gaëtan Thomas pour sa thèse soutenue en mai 2018 sur le thème de La routine vaccinale. Enquête sur un programme français de rationalisation par les nombres, 1949-1999, dirigée par Luc Berlivet et Patrice Bourdelais, devant un jury composé d’Anne-Marie Moulin (CNRS), Gerald Oppenheimer (City University of New York), Anne Rasmussen (Université de Strasbourg) et Didier Torny (CNRS).
Par sa curiosité scientifique insatiable, par la vigilance et la rigueur scientifique à laquelle il invitait, Alain Desrosières (18 avril 1940-15 février 2013) a initié une nouvelle approche sociologique de la statistique et de la quantification. Le réseau de chercheurs en sciences humaines et sociales qu’il est parvenu à constituer souhaite développer cette approche et les réseaux qui la portent, c’est pourquoi ils ont lancé ce prix en 2016. Le prix Alain Desrosières vise à distinguer un travail inédit (mémoire ou rapport), un ouvrage publié, un article conséquent, écrit en français, réalisé récemment qui place la statistique, ou plus largement la quantification, au cœur de l’analyse sociologique (toutes les disciplines de sciences sociales pouvant être mobilisées) et qui éclaire les processus politiques de conception, de production et de diffusion des chiffres, ses acteurs, ses enjeux, ses effets et ses usages avec le recul auquel invitait Alain Desrosières.

Espagne, Espagnes : regards français sur la réalité espagnole (XVIe-XXIe siècles) (2)

12 décembre – Cycle de tables rondes (2) – Paris, Institut Cervantes de Paris

Les relations entre l’Espagne et la France pendant le XVIIIe siècle ont été déterminées par les pactes dits « de famille » qui ont uni les deux dynasties. Une circonstance qui aurait théoriquement dû rapprocher la culture espagnole du pays voisin. Mais la réalité a démontré le contraire. L’Espagne a été non seulement exclue du Grand Tour, mais a aussi été critiquée par l’Encyclopédie, tant dans sa première édition par Louis de Jacourt, que dans l’édition Méthodique de Panckoucke, contenant le célèbre article « Espagne » rédigé par Masson de Morvilliers, qui a largement contribué à la légende noire espagnole. Bien que certains journaux et certains hommes de lettres aient tenté d’adoucir cette image en présentant l’Espagne comme un pays ayant commencé son voyage sur le chemin de la modernité, les attaques des philosophes et de certains livres de voyage, le Voyage de Figaro en Espagne du marquis de Langle notamment, dominèrent la scène culturelle française.
Autant de regards croisés où les préjugés se déclinent aussi bien à travers des images indirectes – parmi lesquelles celles de personnages comme Voltaire, Montesquieu ou Boyer d’Argens – que par le biais de voyages imaginaires, qui ont pour objet de confirmer des certitudes. Cette production n’en décrit pas moins d’incontestables et paradoxales avancées : l’Espagne est en effet décrite comme le théâtre de profondes réformes sociales et économiques, mais se singularise en même temps par sa défense de la tradition et de l’humanisme, tandis que la presque absence de philosophie dans le pays et le maintien d’institutions comme l’Inquisition, la relèguent à la périphérie de l’Europe moderne. Ces lumières et ombres des visions de l’Espagne seront analysées à travers le monde du livre et de la littérature française.

Andrew Sartori (New York University)

14 et 21 décembre, 8 et 15 janvier – Conférences – Paris, EHESS et ENS

 Invité à l’EHESS par Alessandro Stanziani, Andrew Sartori est professeur d’histoire à la New York University où il est directeur de undergraduate studies. Ses principaux domaines d’intérêt sont l’histoire de l’Inde et du colonialisme britannique au XVIIIe et XIXe siècle, de la pensée économique et des politiques publiques, dans une approche à la fois d’histoire intellectuelle et sociale de l’économie politique. Mobilisant à la fois des sources en arabe et en anglais, il est mondialement reconnu pour avoir radicalement renouvelé l’histoire du Bengale. Grâce à ces sources, il a en effet dépassé tout aussi bien l’histoire coloniale que les approches post-coloniaux et subalternes. Son premier ouvrage, Bengal in Global Concept History (Chicago, 2008) trace précisément l’historique et l’usage politique et intellectuel du « Bengale », à la fois par les Britanniques et les Bengalis eux même. Il précise cette démarche dans Liberalism in Empire (Berkeley, 2014) dans lequel il met en évidence les significations multiples du libéralisme britannique en Inde, mais aussi son appropriation par les acteurs indiens. En dépassant l’historiographie existante, il montre que la fameuse invention britannique des zamindars et de la propriété privée, qu’ils auraient imposée en Inde, s’appuie en réalité sur des catégories locales. Il met également en évidence que, avant, puis sous la domination anglaise, le Bengale s’était lancé dans une réforme de la fiscalité et de la propriété ; le résultat final découle donc d’une convergence entre certains intérêts, catégories et groupes britanniques et indiens et à l’exclusion d’autres groupes.
Avec Samuel Moyn (connu pour son histoire des droits de l’homme) il a co-dirigé un ouvrage lui aussi au succès retentissant, Global Intellectual History, dans lequel les auteurs cherchent à montrer l’importance d’une histoire intellectuelle renouvelée, ancrée à la fois dans les sciences sociales et dans l’histoire globale et connectée.

Voie/Voix de représentations : les émotions de l’Histoire dans les arts du spectacle entre Révolution et Restauration

17 décembre – Les Rencontres du GEHM – Paris, EHESS

Les spectacles sont une arène et un laboratoire de choix pour exprimer et repérer après coup les traces de l’Histoire, particulièrement vives sous la Révolution. Les pouvoirs tentent de contrôler l’espace public, sans parvenir à fixer le sens des performances. Cette Rencontre du GEHM présente les recherches menées de Thibaut Julian au CRH dans le cadre de son postdoctorat visant à cerner, à travers les intentions auctoriales, les jeux de discours prévus par les pièces et l’étude de leur(s) réception(s), comment la communauté politique s’éprouve dans sa diversité critique par la médiation de spectacles réfléchissant les enjeux contemporains, y compris par des fables qui en semblent en tout point éloignées. Sans négliger le contexte social entre 1789 et 1815, l’on propose une lecture de l’histoire par le prisme du théâtre, à l’aune de l’histoire des représentations et des émotions : sont visés les sujets mémoriels et les objets historiques auxquels la scène donne une « consécration » symbolique – fût-elle condamnation.

Venus Bivar (Washington University in St. Louis)

5,12,14 et 17 décembre – Conférences – EHESS, Paris et Marseille

Professeure invitée de l’EHESS par Gérard Béaur et Valeria Siniscalchi, Venus Bivar est une spécialiste de l’histoire de l’agriculture dans la France contemporaine. Après des études doctorales à l’Université de Chicago avec une thèse soutenue en 2010, elle a effectué des recherches postdoctorales au département d’histoire de l’université Berkeley avant d’être recrutée en 2012 comme assistant professor au département d’histoire de l’Université Washington de St Louis. Elle a publié en mars 2018 un manuscrit – Organic Resistance : The Struggle Over Industrial Farming in Postwar France – inspiré de son travail de thèse aux Presses de l’université de Caroline du Nord. Ses thèmes d’études concernent principalement l’agriculture française après la Seconde Guerre mondiale. Intéressée par la vaste problématique de la « modernisation » de l’agriculture française, Venus Bivar a choisi de travailler sur plusieurs dossiers : les questions foncières (SAFER et remembrement), le rôle de l’État, les tensions entre l’industrialisation de l’agriculture et la montée en puissance de l’agriculture biologique. Une partie de ses travaux portent sur l’histoire environnementale. Ses projets plus récents s’intéressent à l’usage politique de notions économiques d’une part et au développement du port de Marseille dans contexte de planification urbaine de l’après-guerre.

« Soigner les étrangers » L’Etat et les associations pour la couverture maladie des pauvres et des étrangers en France des années 1980 à nos jours

Caroline Izambert

Thèse dirigée par Nancy L  soutenue le 21 novembre 2018, devant un jury composé de Jean-Paul Gaudillière (EHESS), Laure Pitti, (Université Paris 8 Vincennes-Saint-Denis), Johanna Siméant-Germanos (ENS), Alexis Spire (CNRS) et Bertrand Taithe (University of Manchester).

Linguistique et écrit (6)

3 décembre – Journée d’étude – Paris, EHESS

Cette 6e édition des journées « Linguistique et écrit », organisées par Marion Carel (CRAL) et Dinah Ribard (CRH-Grihl) est consacrée à la présentation et à la discussion de plusieurs modèles d’analyse de l’énonciation, en particulier l’écrit, c’est-à-dire d’analyse du rapport entre la prise de parole, ou la prise d’écriture, et la situation dans laquelle elle intervient. La question de l’énonciation est cruciale pour aborder la part des mots dans l’événement : il s’agit donc de continuer à explorer les possibilités de rencontre entre linguistique et histoire, à partir de l’étude d’énoncés réellement prononcés ou écrits dans différentes circonstances.