Marie Formarier
« La science de l’éloquence politique est une musique ; la différence avec le chant et la musique instrumentale est une différence de degré et non de nature ». Denys d’Halicarnasse pose ainsi le problème passionnant du rapport entre l’art du discours, c’est-à-dire la rhétorique, et la musique. Cet essai en propose une analyse philologique et anthropologique, prenant comme objet l’un des points de convergence essentiels entre ces deux disciplines : le rythme. Dans quelle mesure la parenté entre le rythme oratoire et le rythme chanté témoigne-t-elle des changements linguistiques et culturels qui ont marqué la latinité de Cicéron à Gui d’Arezzo ? Si le rythme chanté dans l’Antiquité grecque doit observer une mesure musicale pour que la mélodie puisse être dansée, le rythme oratoire en revanche ne saurait respecter strictement une pulsation. Varier et improviser les combinaisons rythmiques sans se soumettre à un cadre fixe, voilà, pour Cicéron, ce qui distingue le rythme oratoire du mètre et du rythme musical. Ces principes trouvent un écho saisissant au Moyen Âge dans le chant chrétien. Bien que le latin ait subi des modifications profondes, les règles rythmiques établies par l’éloquence classique infléchissent indéniablement les techniques de composition du « cantus prosaicus ».